Un poème de Renée Vivien
A la Divinité inconnue
J'aspire auprès de toi le silence et le charme
Des nuits où la douleur se plaît à demeurer,
Toi qu'on ne voit jamais essuyer une larme,
Mais dont parfois j'entends la grande âme pleurer.
Le miroir réfléchit tes chastes attitudes,
Et tu fuis le factice et le faste et le fard.
Tes lèvres ont gardé le pli des solitudes
Et l'accent des bonheurs qui nous viennent trop tard.
Le décor de ton deuil est la chambre sereine
Où meurt languissamment le bruit lointain des eaux.
Les souffles de la mer n'ont soulevé qu'à peine
Le soir perpétuel sous l'ombre des rideaux.
Mon angoisse ne cherche point à s'apaiser,
Car tu m'es inconnue et n'existes qu'en rêve.
C'est pourquoi je t'adore au-dessus du baiser.