ARTE VENDREDI 23 NOVEMBRE 2007 DE 23H05 À 0H10 (65')
RÉSUMÉ
En 1998, le docteur Helen O'Connell, chef du service de neuro-urologie et de continence du Royal Hospital de Melbourne, lançait un pavé dans la mare en affirmant que les représentations médicales du clitoris étaient toutes erronées et que les scientifiques s'appuyaient sur des descriptions anatomiques inexactes datant pour certaines du début du XXe siècle. Drôle de destin pour cet organe singulier, le seul à être exclusivement dédié au plaisir. Peut-être est-ce cette raison - son absence de rôle dans la procréation - qui a détourné l'intérêt des médecins de ce que l'Inquisition a surnommé jadis «mamelon de Satan» ? Quoiqu'il en soit, l'étude de l'urologue australienne a le mérite de mettre en lumière le rôle central du clitoris dans la sexualité des femmes, un domaine de recherche, il est vrai, fort récent.
Sur quinze manuels d’éducation sexuelle en Grande-Bretagne, dix ne mentionnent pas le clitoris, ni le plaisir féminin. C’est dire la terra incognita que représente ce petit organe féminin qui n’a d’autre fonction que le plaisir, justement. Cette petite info retient l’attention du téléspectateur, ce qui ne veut pas dire pour autant que l’aspect strictement anatomique exploré aussi par la réalisatrice Michèle Dominici soit de moindre intérêt. Mais il y a dans cette étrange absence quelque chose de palpitant. On touche là au cœur de la diabolisation des femmes, et c’est cet aspect-là qui rend la méconnaissance du clitoris si éclairante. Parce qu’il est synonyme de plaisir solitaire ou pas, il devient, puritanisme aidant, le symbole d’une certaine liberté des femmes. On connait la chanson, femmes libres égale dangereuses, égale sorcières au Moyen Age, égale hystérie et épilepsie jusqu’à il y a une trentaine d’années à peine, égale donc excision… Sans oublier l’impayable Dr Freud, qui parlait de l’orgasme clitoridien comme d’une manifestation infantile. Un diagnostic qui tombe à pic et qui va singulièrement arranger les hommes et leurs lois puisque l’orgasme clitoridien concerne 70 % des femmes, qui, comme chacun le sait, sont majoritairement infantiles. Quand on pense qu’au XVIIe siècle un savant hollandais particulièrement éclairé et néanmoins oublié de l’histoire concluait ses études sur le sujet par cette affirmation : « Sans le clitoris, aucune femme n’accepterait de faire des enfants. »
Marie Colmant