mardi 18 mars 2008

Cinema

"There will be blood"

Impressionnant! Le personnage principal joué par Day-Lewis est à la fois d'une dureté extrême, mais aussi d'une ambigüité troublante. Le film explique à peine son parcours: un père volage, un frère inconnu... une chose est sure: il déteste l'humanité et il dit lui même qu'il veut être riche pour éloigner le monde. Il est dur, pathétique, cruel, il écrase tout autant physiquement que psychologiquement, toute résistance est comprise comme de l'agression... toujours sur ses gardes, la moindre déception provoque en lui une haine froide et irréversible pour son prochain, que ce soit son fils (pourtant adoptif), son frère (enfin...). Aucun signe de tendresse ou d'amitié n'est acquis, il attend toujours le pire, et de son point de vue, il arrive. Et pourtant il s'occupe d'un orphelin, il terrorise un père pour qu'il arrête de battre sa fille, il accueille un frère qu'il croyait inconnu... mais un à un ils sont tous éjectés du parcours à tort ou à raison. Ce film prend place à une période où la société américaine était portée par la foi des pionniers! Il fallait vaincre, s'enrichir... quitte à escroquer, voler, tuer. La force de ce personnage, c'est que ces actions ne sont excusées par aucun but humaniste: aucune femme autour de lui, aucun ami, aucune famille, même la richesse ne lui apporte pas la satisfaction du confort... Il vit dans un château à la fin du film comme il vivait au désert au début: seul. Les autres personnages ne rattrapent pas les hommes: les prophètes illuminés sont autant pourris d'ambition, les braves gens sont victimes à souhait, les grands patrons méprisants du travail ou de la réussite des petites gens. Impressionnant, à voir, mais c'est tout sauf un moment de détente.

et les avis des critiques de cinéma

Emilie Lefort
"There Will Be Blood" est un film ample et ambitieux à l’image de son sujet : la conquête de l’or noir aux Etats-Unis. Paul Thomas Anderson est un réalisateur culotté : les 30 premières minutes de son film ne contiennent aucun dialogue. Quant à Daniel Day-Lewis, il incarne Daniel Plainview d’une manière presque indescriptible tellement il plonge dans la démesure. Tout juste oscarisé pour ce rôle, l’acteur donne une prestation hors du commun. Musique, photo (la scène inoubliable du pipeline en feu), scénario, casting tout est réuni pour faire de ce film un chef d’œuvre. Pourtant, même si "There Will Be Blood" est à couper le souffle, la fâcheuse manie qu’à Paul Thomas Anderson de faire de ses personnages des salauds de première catégorie et plus généralement de faire du cinéma sur le dos de ses héros est assez gênante. Mais quand on pense que trois semaines après avoir découvert cette pépite, certaines scènes nous hantent encore, on se dit qu’on lui pardonnera cette misanthropie. "There Will Be Blood" est tout simplement envoutant.


Jean-François Morisse
C’est une épopée familiale. Ou du moins, sans doute le personnage interprété par un Daniel Day-Lewis magistral, dont on suit ici le parcours sur près d’un demi-siècle, aimerait-il le croire. Cet homme en quête de réussite sociale et de liens de sang, obsédé par le succès qui semble longtemps donner, plus que de la valeur, un sens à sa vie. Ce personnage torturé et complexe dont les soubresauts d’humanité nous touchent immanquablement avec une justesse remarquable. Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Punch-Drunk Love…) livre-là une œuvre humaine intense et rude, comme l’époque à laquelle celle-ci se déroule. La quête de pétrole indissociable de cette soif inextinguible de reconnaissance ajoute, en filigrane, une réflexion très actuelle sur la marche du monde en général et le pouvoir américain en particulier. Brillant.

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