JUNO
Bon film et je partage la critique qui suit
Critique de Telerama
« Tout a commencé avec un fauteuil... » Un bon vieux fauteuil avachi, dans lequel Juno, 16 ans, a décidé un soir de dépuceler son copain Paulie. Ben oui, c'était ça ou revoir The Blair Witch Project à la télé... Deux mois, quelques jours et trois litres de jus d'orange plus tard, les (nombreux) tests de grossesse sont tous désespérément positifs. Comment raconter, en trois saisons, les tribulations d'une adolescente enceinte, sans tomber dans le mélo « prolife » (Juno décide de garder l'enfant et de le confier à un couple adoptant) ou la gaudriole lourdingue façon American Pie ? En ciselant une comédie euphorisante, drôle et délicate, un portrait de fille comme on en voit peu, surtout dans cette tranche d'âge propice aux clichés de cinéma, du plus branché au plus niais.
Juno, ainsi prénommée par son père en hommage à l'épouse de Jupiter, rayonne dès la première image. Energique, râleuse, gouailleuse, jamais à court de vannes (peaufinées par une scénariste très inspirée, Diablo Cody), elle se shoote à l'autodérision, histoire de grandir un peu, à l'instar de la « crevette », ou de la « chose », comme elle dit, qui pousse dans son ventre, et afin de tenir le coup jusqu'au bout. Ce petit miracle bavard et bravache, coiffé d'une éternelle queue de cheval et engoncé dans des sweats à capuche informes, s'appelle Ellen Page, une jeune actrice canadienne déjà remarquée dans Hard Candy, de David Slade. Ses traits ont la pureté et la sensibilité d'une Adjani période Ecole des femmes. Pourtant, malgré sa beauté enfantine, la drôlesse tourbillonne comme un feu follet. C'est finalement Zazie qu'elle évoque, pas la chanteuse, l'autre : l'irrésistible mouflette de Raymond Queneau.
Juno, donc, aime Lou Reed et Dario Argento, possède un téléphone hamburger, fanfaronne et tchatche comme une affranchie, mais sa grande aventure involontaire la mène au pays des adultes : tout sauf un terrain conquis, qu'elle explore avec une naïveté juvénile. Ainsi ce couple « idéal » (Jennifer Garner et Jason Bateman, formidables) à qui elle veut refiler le bébé « à l'ancienne, façon Moïse », et dont elle révèle, sans le vouloir, les profondes fêlures. La délicieuse Juno, quel que soit son charisme, ne vampirise pas les autres pour autant : chaque personnage de cette drôle de chronique, père bougon mais compréhensif, belle-mère attentive (une fois n'est pas coutume), amoureux doux et emprunté, tient sa place dans la sarabande orchestrée par Jason Reitman.
Après une satire très réussie de la « guerre du tabac » aux Etats-Unis (Thank you for smoking), ce jeune réalisateur, fils d'Ivan Reitman, le réalisateur de SOS fantômes, transforme l'essai. Il parvient à débarrasser la comédie grand public de son épaisse couche de maquillage, à donner chair et vie à des personnages et à un milieu (la classe moyenne modeste dont Juno est issue) trop souvent réduit à une caricature misérabiliste ou à une image d'Epinal larmoyante. C'est que, comme dans son premier film, Jason Reitman tient à ce que ses héros, attachants et imparfaits, aient toujours le choix : fumeur ou non, enceinte ou pas, prolo ou bourgeois, leur crédibilité naît de cette liberté.
A travers eux, il défend, plus que tout, le libre arbitre de chacun, la nécessité d'échapper à tout canevas idéologique préfabriqué. Nommée aux Oscars (meilleur film, réalisateur, scénario original, meilleure actrice), cette chronique bourrée d'énergie vitale, d'humour et de tendresse rugueuse, est plus proche d'un film irlandais comme le Snapper de Stephen Frears que de l'habituelle comédie hollywoodienne. Juno, film sur une fille qui devient mère avant de devenir femme, n'embellit pas la réalité, les rapports de couple, la famille, la sexualité... Mais il l'oxygène considérablement.
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