mercredi 10 octobre 2007

Les sans-papiers, article de LibeLyon

Lorsqu'une élue choisit de cacher des sans-papiers

Nathalie Perrin, maire du Ier arrondissement de Lyon, explique son choix

SOCIETE -Nathalie Perrin-Gilbert, maire du premier arrondissement de Lyon, a choisi de révéler publiquement qu'elle avait hébergé des personnes sans papiers. Chez elle, et dans sa mairie (papier).
Elle revient pour LibeLyon sur ce choix, et sur les conflits de loyauté qu'il pose à une élue.

Pourquoi avoir choisi d’héberger des personnes sans-papiers chez vous et dans votre mairie ?
Mes contacts avec des personnes dans cette situation remontent à 2005. La directrice d’une école maternelle m’avait alerté sur le cas d’une dame originaire de la République démocratique du Congo. Elle était présente depuis 2000 en France, avait une petite fille scolarisée depuis septembre et se retrouvait à la rue. Je l’ai rencontrée dans mon bureau, à la mairie. C’est une femme qui avait été emprisonnée et violée dans son pays, se trouvait dans une grande détresse, pas loin de mettre fin à ses jours. Je me souviens qu’elle se griffait les mains. Je suis d’abord allée faire des courses avec elle. J’étais au départ dans une démarche humanitaire. Une semaine plus tard elle a été prise en charge au Vinatier puis un légiste reconnu par la Ddass a confirmé les violences subies et les risques suicidaires. Elle a été hospitalisée dans une clinique post-traumatique et je me suis occupée de sa petite fille. La mère venait la voir régulièrement, pouvait dormir chez moi si elle le souhaitait. Qu’elle soit femme et qu’elle ait une enfant a sans doute constitué une porte d’entrée qui m’a touché. Puis une dimension plus politique s’est inscrite. Ce qui m’a posé question c’est qu’elles se soient sorties de cette situation grâce aux parents d’élèves, pas aux institutions. En tant que maire, j’aurais pu passer à côté.

Pourquoi dites-vous que vous êtes passée d’une démarche humanitaire à un engagement plus politique ?
A partir de cette rencontre, je me suis ouverte sur les questions d’immigration, d’asile, qui n’étaient pas au cœur de mes engagements. J’étais plus à l’écoute de ces situations, et des personnes qui soutiennent les sans-papiers. J’ai aussi pris conscience des injustices dans l’application de certaines lois. Il y a une part d’aléatoire, d’arbitraire, dans les décisions de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et des circulaires de régularisation. Je me retrouve aujourd’hui dans les positions de certains élus comme la sénatrice Christiane Demontès. Il faut réclamer l’examen des situations au cas par cas, pas au compte-goutte. La dame que j’ai rencontré en 2005 était par exemple arrivée de RDC en même temps qu’une compatriote. Malgré ce qu’elle avait subi, l’autre a obtenu un statut en quelques mois, elle non. En l’accompagnant au service des étrangers de la préfecture, j’ai aussi parfois eu la nausée devant les arguments que j’ai entendus. J’ai réalisé qu’une administration peut à tout moment se mettre au service d’un projet politique. Sans comparer ce qui n’est pas comparable, je comprends mieux comment Vichy a pu se mettre en place, article de loi respecté après article de loi respecté. (souligné par Cami)

N’est-il pas gênant pour une élue de se mettre hors la loi ?
Je trouve important que les élus soient exemplaires. En tant qu’élue, je dois respecter la loi de mon pays. Je ne me sens pas du tout l’âme d’une révolutionnaire, je ne prône même pas la désobéissance civique et je préfèrerais répondre à ces situations d’urgence légalement, sans avoir choisir entre le respect de la loi et l’assistance à personnes en danger. Quand on peut faire avancer des situations de détresse avec les institutions, la préfecture, c’est mieux bien sûr. Je n’ai pas mis en danger la République et les institutions. Je n’ai nui à personne.

Pourquoi révéler tout cela aujourd’hui ?
C’est une façon d’être aux côtés de gens exemplaires. Un curé de mon quartier qui héberge des sans-papiers, des parents d’élèves, des enseignants. Il est important de montrer à ces gens qu’ils ne sont pas seuls. Je pense qu’il est fait le pari aujourd’hui d’un essoufflement des soutiens, des forces militantes. Il faut montrer que ce n’est pas le cas, que d’autres peuvent se lever, qu’on ne baisse pas la garde. Je pense important de montrer publiquement que nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qui se passe en ce moment, et que nous n’accepterons pas toutes les intimidations.
OLIVIER BERTRAND

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